MaisonModeMed

EN REPORTAGE pour MMM

Entre coutume et couture, une seule lettre diffère.

Par Hélène Altmann, Journaliste mode et Ami.e.s du Fonds de Dotation MMM.

Mucem

Les liens étroits, les correspondances en droit fil, les dialogues amoureux et les mariages heureux entre les costumes populaires et la Haute Couture, c’est ce que montre l’exposition Fashion Folklore que propose le Mucem à Marseille.

Près de 300 pièces, la plupart issues des fonds du Mucem mais aussi de collections françaises et étrangères. Du Palais Galliera au Musée de la Mode de Marseille, du Musée Yves Saint Laurent Paris au MAD Paris en passant par le Musée de Quimper.

A travers les régions de France et du monde, dans une promenade où alternent des tissus précieux, des broderies merveilleuses, des coiffes traditionnelles et des robes haute couture, ce sont des reflets, des miroirs et une inspiration avouée et déclinée en robes de mariée, manteaux, blouses par les plus grands.

Un dialogue permanent et continu entre la culture populaire et les pièces Haute Couture Balenciaga, Gabrielle Chanel, Chloé, Dior, John Galliano, Jean Paul Gaultier, Philippe Guilet, Hermès, Simon Porte Jacquemus, Pascal Jaouen, Kenzo Takada, Christian Lacroix, Karl Lagerfeld, Jeanne Lanvin, Givenchy par Alexander McQueen, Martin Margiela, Val Piriou, Paul Poiret, Yves Saint Laurent, Paco Rabanne, Elsa Schiaparelli, Franck Sorbier, Givenchy par Riccardo Tisci, Valentino, Giambattista Valli, Dries Van Noten, Victor and Rolf, Clare Waigth Keller, Victor Weisanto, Bernard Wilhelm. J’espère n’en avoir oublié aucun, tant il est vrai que toutes les maisons et tous les créateurs puisent dans le traditionnel pour inventer le futur.

En prélude, on est accueillis par un mannequin de couturière en grande conversation avec la robe haute couture Larantuka en raphia et macramé de Frank Sorbier. Laissons-les parler généalogie commune pour aller admirer une fantastique robe de Paul Poiret. Fabriquée en 1912, elle est confectionnée à partir d’une nappe qu’il rapporte de Russie un an avant. En toile de lin, à broderies à jours de fil de coton, manches ¾ et hanches drapées, elle est un des souvenirs du périple du couturier et le témoin indiscutable du savoir-faire de Paul Poiret et de son admiration pour le savoir-faire textile russe. Une traduction littérale autant qu’un sourire amusé. Passons à la robe Toutankhamon de Jeanne Lanvin. Tout n’est pas dans le titre. La couturière a collectionné toute sa vie échantillons, broderies et vêtements traditionnels qui lui servent d’inspiration et de références. Il y a d’ailleurs un très beau carnet de dessins témoin de son talent de dessinatrice. J’aurais envie, au fil des modèles exposés, de vous raconter toute l’exposition. Allez-y, courez-y ! Elle est prolongée jusqu’au 8 janvier 2024. Je ne résiste pas au plaisir de vous avouer que à mes yeux, parfois, le vêtement populaire est plus beau que la pièce de Haute Couture. Et c’est là que ça devient intéressant. Qui est l’élève qui est le maître ?

On devrait, comme on le fait pour la Haute Couture, mettre des majuscules à Vêtement Populaire. L’exposition, du Maghreb à l’Égypte en passant par la Roumanie et la Bretagne, propose un jeu de regards vers le passé. Celui des paysans, bergères et peuples de tous les pays. Admiration pour le savoir-faire, respect pour la tradition de ces vêtements utiles portés au quotidien ou pour de grandes fêtes. En retour, les pièces des grandes maisons étincellent, leurs couleurs sont plus vives, leurs paillettes plus nombreuses et leurs tissus plus luxueux et plus fragiles.

C’est un miroir où le plus beau n’est pas forcément celui qui brille le plus. Plus, toujours plus ! J’exagère, témoin cet ensemble iconique Yves Saint Laurent de la collection Haute Couture automne-hiver 1999. Blouse roumaine réinterprétée en étamine de laine brodée (maison Gandini) brodée (Maison Lesage), jupe en velours de soie (maison Durandaud) un noir et blanc où les broderies noires servent de couleurs.

Deux pièces traditionnelles m’ont particulièrement touchée. Exposés côte à côté, un xhybe (manteau de femme catholique d’Albanie) datant du XIXe siècle et un dzuba (manteau de mariée musulmane du même pays et du même siècle. Même silhouette, même longueur, même tissu, même broderies en galon : des sœurs. Ou quand le costume réunit…

Tout au long de l’exposition, les broderies sont comme un fil rouge qui trouve son acmé avec les blouses roumaines, aussi plurielles qu’uniques. Les coiffes, coiffures et chapeaux ne sont pas en reste. Miracles de dentelle, postiches en faux cheveux, perles et pierres, des confins de la Sibérie à la Méditerranée en passant par la Bretagne, de la coiffe de mariée à la capeline Jacquemus ou à la coiffe Haute Couture Chanel en perles et postiches, les pièces exposées sont le plus souvent des pièces faites pour les grandes occasions et les fêtes. C’est beau et majestueux.

Les grandes occasions et les soirées : deux époques et temps différents qui se rejoignent aussi. Les habits du dimanche, des fêtes religieuses pour les costumes populaires, et les fêtes et soirées pour la Haute Couture. À l’intersection, des mariages et des moments uniques. Seul l’usage diffère : la pièce haute couture est portée une fois, le costume populaire plusieurs et se transmet de génération en génération, ou se transforme… jusqu’à devenir modèle ou inspiration couture. La boucle est bouclée.

C’est un hommage de la haute couture à des inconnus qui ont fait l’histoire du vêtement. Entre coutume et couture, une seule lettre diffère. On n’a pas envie de choisir entre aime et air. Comme le démontre cette sublime exposition.

Hélène Altmann

Commissariat :
Marie-Charlotte Calafat, conservatrice du patrimoine, responsable du département des collections et des ressources documentaires du Mucem
Aurélie Samuel, conservatrice du patrimoine
Scénographie :
Agence NC Nathalie Crinière
Graphisme :
Tania Haguemeister

Fashion folklore

Costumes populaires et Haute couture

Mucem, J4— Niveau 2 Prolongation jusqu’au 8 janvier 2024